Interview de Laurent Malot – Des Auteurs, des Inspirations n°6

C'est lors de mon premier Salon du livre à Mennecy, en février 2017 que j'ai eu l'honneur de rencontrer Laurent Malot, installé à côté de moi. J'ai vite remarqué la diversité des livres qu'il présentait en regardant leur couverture. Cela semblait être trois genres très différents et tout de suite, je me suis dit : "ça ferait un super sujet sur l'inspiration. Est-ce que l'inspiration est la même pour chaque livre ?" J'ai donc pensé vous proposer une interview de Laurent Malot pour répondre à cette question 🙂

Laurent Malot rejoint ainsi la série "Des Auteurs, Des Inspirations". Il a accepté avec plaisir et cette interview s'est avérée être très différente des autres. En effet, c'est la première interview que je fais en direct et non sur Skype ! Laurent Malot habite à une vingtaine de minutes chez moi, nous avons donc organisé une rencontre pour parler d'inspiration... 

C’est la huitième interview sur l'inspiration et vraiment, chaque auteur est différent. Autant avec les premiers auteurs, je trouvais des similitudes, mais avec Laurent Malot, c’est vraiment une découverte ! Sa perception de l'inspiration est éloignée de ce que j'ai entendu jusque là. 

Alors si vous êtes curieux ou à la recherche d'inspiration, plongez dans les pensées de Laurent Malot...


Te souviens-tu de la première fois où tu t'es senti inspiré ?

Laurent : Quand j’étais môme, il m’arrivait de relire toutes mes bandes dessinées et j’écoutais en même temps des musiques de film. Je pense que mes premières inspirations d’histoire datent de là. Pour moi, tout était sujet à histoire. C’était le début du Walkman et je m’endormais toujours avec, en inventant des histoires, parfois pendant une heure !

Sinon, j’ai mis une histoire sur le papier pour la première fois vers 14 ans, car je voulais être scénariste pour Spielberg, mais j’ai laissé tomber. J’avais l’école, d’autres choses à faire… C’est devenu plus sérieux à 18 ans. J’ai écrit 120 pages d’une histoire que j’ai oubliée pendant 6 mois… Quand je l’ai reprise pour écrire la suite, ça a fait un roman de 240 pages. J’ai alors commencé à envisager de raconter des histoires comme métier. Entre 18 et 25 ans, j’ai fait d’abord 3 romans, puis 3 scénarios (western, comédie romantique..) et des pièces de théâtre !

Est-ce que l'inspiration est différente quand on écrit un scénario, un roman ou une pièce de théâtre ?

Je me fiche du format, tant que je peux raconter des histoires. Des sketchs, des chansons, j’en fais aussi. Tout me plaît. Certains me disent que c’est difficile de passer de l’un à l’autre, mais pas pour moi. Je n’ai pas de facilités, je ne me mets juste pas de barrières.

Et entre les genres ? Tu as écrit un roman dramatique, une comédie et un thriller. L'inspiration change-t-elle pour chaque ?

Je me suis rendu compte, quinze ans après avoir commencé à écrire, qu’il y avait un thème qui revenait souvent : la manipulation, le mensonge et le non-dit. Ce qui m’inspire beaucoup c’est l’engagement pour faire quelque chose de mieux, se découvrir, se battre contre des inégalités, s’engager dans la vie sociale ou politique. Ça revient souvent dans mes écrits et c’est ce qui m’inspire.

Dans De la part d’Hannah, c’est une petite fille qui est à la recherche de son identité. Il y a une part de manipulation car on lui a menti sur ses origines, même si c’est par omission. Mon thriller L’Abbaye Blanche c’est beaucoup sur la manipulation, le scandale d’état. Pour Lucky Losers il s’agit de l’engagement, le fait de société, la lutte des classes. Les faits divers et historiques me servent de base pour mes histoires. Dans Lucky Losers, je fais par exemple une allusion à la crise Air France et aux chemises arrachées

Quel sentiment domine quand tu es inspiré ?

J’ai besoin d’être en colère, j’écris mieux quand ça ne va pas bien. J’ai besoin de dénoncer des injustices, des choses qu’on ignore. Dans De la part d’Hannah, je rappelle que les premières victimes du nazisme c’était quand même des juifs allemands. Si je vais trop bien dans ma vie, j’ai autre chose à faire.

Est-ce que quelque chose influence ton inspiration ?

Ce qui m’inspire beaucoup c’est la musique de film. Une fois, j’écoutais toujours le même morceau de musique, quinze, vingt fois… et j’ai bâti presque toute l’histoire là-dessus alors que je n’avais encore rien écrit. C’était vraiment le travail de création, d’inspiration.

La musique est hyper importante pour moi. À tout ce que j’ai écrit, il y a une musique associée, souvent la même. Pour De la part d’Hannah, j’ai tout écrit en écoutant « Lolita » d’Ennio Morricone. L’Abbaye Blanche c’était « Gladiator » et « Basic instinct ». Pour Lucky Losers, j’ai écouté en boucle le CD « Rendez-vous à Notting Hill », ça collait, une comédie à l’anglaise, des chansons variées. Pendant plusieurs mois, je n’écoutais que ça !

Et sur une autre musique, tu penses que ça aurait été un autre style de livre ?

Ah oui complètement, ça c’est sûr. Parfois, je n’arrive pas à écrire parce que je n’ai pas la bonne musique. Je le sens. Soit elle n’est pas assez forte par rapport à la scène que je veux écrire, soit elle est trop chargée émotionnellement et ça ne colle pas. Quand je ne trouve pas la musique qui me va, je galère pour écrire une histoire, puis quand j’ai trouvé la musique, ça va tout de suite mieux !

Certains auteurs quand ils ont une idée feraient tout pour la coucher sur le papier. Est-ce aussi ton cas ?

Oui, j’ai hâte qu’elle se concrétise… mais, peut-être avec l’expérience, je ne me précipite pas. Ce qui me fait super peur, c’est la fausse bonne idée. Donc maintenant, quand j’ai une idée que je pense bonne, j’essaie vraiment de voir comment elle s’insère, comment je peux la développer et l’utiliser au mieux. Il y a de l’excitation, mais mesurée.

Des idées tu en as tout le temps ? Tu es toujours inspiré ?

Non, il va m’arriver de caler, surtout avec les romans ! Ce n’est pas un scénario, tu ne peux pas passer d’une scène à l’autre juste comme ça. Il faut amener l’histoire, la travailler… et tous ces ponts à faire entre deux scènes sont parfois compliqués.

Donc je sèche car je ne veux pas bâcler ces transitions. Je veux qu’elles soient intéressantes ou drôles, que ça fasse avancer l’action. Sinon, il suffit de mettre « Paris, Bar du 16e, 16h », j’ai vu ça il n’y a pas longtemps. Mais pour moi, ce n’est plus du roman, c’est plutôt du scénario.

Et quand tu sèches, tu te sens comment ? Énervé ?

Non, car je n’ai même pas la pression du temps. J’écris assez vite, 250 pages en 6 mois, compte tenu de tout ce que je fais à côté. Donc quand je n’y arrive pas, je fais complètement autre chose, je prends mon temps. C’est le fait de ne plus y penser, de prendre du recul qui va justement m’aider. J’ai vraiment cette image de la baignoire trop pleine et il faut laisser couler avant de pouvoir en rajouter.

Est-ce que tu t'impliques émotionnellement quand tu écris ?Tes histoires te suivent ?

Mes personnages sont tous « moi », les gentils, les méchants, les salauds, lâches ou drôles. Je me projette dedans, c’est un vrai jeu d’acteur. Dans Lucky Losers le héros a 17 ans, je vais en avoir 50. Quand je l’ai fait lire aux copains qui me connaissent bien, ils m’ont dit « mais c’est toi ! ».

Donc ça peut m’arriver d’être ému par ce que je viens d’écrire, ou de rire. Mais quand je sors de mes histoires, j’en sors complètement. Sauf parfois quand il me manque quelque chose pour faire avancer l’histoire, j’ai le cerveau qui tourne. J’y réfléchis sans trop y penser et la solution vient toute seule. Ça n’a rien d’émotionnel !

Selon toi, quelle est la différence entre l'inspiration et l'imagination ?

C’est très personnel. Pour moi, l’inspiration est plus « technique » dans le sens où elle va aider à construire l’histoire. Alors que l’imagination, elle est libre, ça peut partir dans tous les sens. L’inspiration est là pour canaliser, orienter l’imagination. Donc, l’imagination ça va être les 1 000 idées que je vais avoir en même temps et l’inspiration « quelle idée je prends ? ».

Que dirais-tu à quelqu'un qui dit ne jamais avoir d'inspiration ?

Je pars du principe qu’il faut forcément avoir une idée ou avoir envie de raconter quelque chose avec des personnages, une action, de faire rire… Si on n’a pas d’idée, alors il ne faut pas écrire des histoires. Sinon c’est comme dire « j’aimerais faire de la cuisine mais je n’aime pas trop manger » ! Il faut avoir envie pour avoir de l’inspiration.

Ensuite, il faut laisser venir et il ne faut pas se précipiter. À force d’essayer, de remplir des pages, ont peu aussi créer de la frustration et de la mésestime de soi. On finit par se dire « je n’y arrive pas » et peu à peu « je suis nulle, je ne suis pas fait pour ça… ». Il faut attendre un peu et si ça ne vient pas, ça ne vient pas.

Y a-t-il une question à laquelle je n'ai pas pensé sur l'inspiration ?

Oui par exemple, comment vient-elle, l’inspiration ? Est-ce que je suis capable de dire s’il y a un déclencheur de l’inspiration ? Autre chose que les sources d’inspiration… Par exemple, il y a un truc qui m’étonne toujours, notamment sur les dialogues : « comment j’ai fait pour sortir cette réplique-là alors que je n’y ai pas pensé ? ».

J’ai parfois l’impression qu’il y a une « écriture automatique », que je suis connecté à un truc… Il m’arrive de me relire et je ne me souviens pas avoir écrit ça ! Donc il y a ce côté « inspiration » divine, magique et je trouve ça génial.

As-tu envie de passer un message à nos lecteurs pour conclure ?

Je n’arrive pas à comprendre comment on ne peut pas avoir d’inspiration ou d’imagination. Il y a des gens qui me disent « je ne sais pas comment tu fais pour avoir autant d’imagination ou d’inspiration »… Et bien je bosse ! Parfois on n’en a pas, ça ne vient pas, on a l’idée générale… mais ça ne suffit pas. Pour passer de 10 à 250 pages, il faut travailler, c’est parfois compliqué mais pas impossible.

Tout le monde a de l’inspiration. Par exemple, tous les enfants en ont, sauf qu’à un moment on doit entrer dans une sorte de mésestime et on a fermé les portes de l’inspiration. Ceux qui disent qu’ils n’en ont pas, ont juste laissé les portes fermées. Pour avoir de l’inspiration, il faut s’autoriser à en avoir et rouvrir ces portes.


MERCI BEAUCOUP À LAURENT !

Pour aller plus loin, découvrez ma chronique sur le dernier livre de Laurent Malot, Lucky Losers :


Vous savez que je fais ces interviews souvent de vive voix. C'est important car cela me permet de pousser l’auteur dans ces retranchements et d'entrer dans son intimité.

Mes questions semblent parfois les dérouter et ils restent en surface. Beaucoup vont ainsi commencer l’interview et me dire ce qu’ils disent « toujours » à propose de leur métier, leur passion… C'est généralement après 30 min, quand je repose mes questions de manière détournée que j'obtiens la vraie réponse, l’essence du sentiment humain, le ressenti profond de l’auteur. Je trouve ça vraiment incroyable et j'aime de plus en plus faire ces interviews ! Qui sera le prochain ?

Retrouvez les 3 romans de Laurent Malot sur Amazon :
À propos de l'auteur

Depuis 2015, je me dédie à ma première passion : l’écriture. J'aime les aventures humaines, riches en émotion et porteuses d'espoir. Et j'aime surtout partager cet enthousiasme avec mes lecteurs !

En effet, pour moi, pas besoin de lire pour rêver et fuir la réalité : Vivons. Nos rêves sont à portée de main et la lecture est aussi là pour nous montrer comment !

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